La Terre est en constante évolution, ses surfaces se modifient imperceptiblement ou parfois brutalement sous l’effet des forces naturelles et anthropiques. Depuis plusieurs décennies, une technique révolutionnaire permet aux scientifiques d’observer ces mouvements terrestres avec une précision millimétrique : l’InSAR (Interferometric Synthetic Aperture Radar). Issu des technologies radar embarquées à bord de satellites, l’InSAR offre un regard unique sur la dynamique planétaire, que ce soit pour suivre les déformations sismiques, la subsidence urbaine ou les mouvements volcaniques. L’intérêt de cette méthode repose notamment sur sa capacité à mesurer les déplacements terrestres sur de vastes étendues, quelle que soit la météo ou l’heure.
À l’heure où la gestion des risques naturels et la surveillance de l’environnement deviennent cruciales, des acteurs majeurs comme Airbus, Thales, le CNES, l’IGN, ou encore l’EOST jouent un rôle fondamental dans la conception, l’exploitation et l’analyse des données InSAR. Ces technologies sont désormais au cœur des programmes de télédétection spatiale pour la construction de modèles précis de la déformation du sol. Les applications sont multiples : prévention des risques géologiques, contrôle des infrastructures, suivi des changements climatiques ou encore cartographie des mouvements tectoniques.
Dans cet article, nous décortiquons les fondements de l’InSAR, ses principes physiques, les outils et satellites utilisés, ainsi que les traitements informatiques complexes nécessaires pour extraire la déformation terrestre des données brutes. Nous explorerons aussi les défis techniques liés à la correction des signaux perturbés par l’atmosphère ou par les variations topographiques. Enfin, nous verrons comment les données InSAR alimentent aujourd’hui de nombreux projets de recherche et applications industrielles, avec des acteurs comme Telespazio, Sertit et SAR Informatique qui participent activement à l’évolution de ce domaine.
Les principes fondamentaux de l’InSAR pour mesurer la déformation terrestre
L’InSAR puise sa force dans une technologie spécifique : le radar à synthèse d’ouverture (SAR). Cette technique active consiste à émettre des ondes radar depuis un satellite vers la surface terrestre et à mesurer le signal qu’elles renvoient. Un des aspects les plus forts des satellites SAR est leur capacité à fonctionner indépendamment de la lumière solaire et à traverser la couverture nuageuse, ce qui garantit des acquisitions régulières et fiables, indispensables pour suivre l’évolution des sols.
Les ondes radar utilisées ont une longueur d’onde couramment située entre 1 et 20 centimètres, adaptée aux interactions avec des surfaces très diverses. Deux paramètres sont essentiels dans le signal reçu par le satellite : l’amplitude et la phase. L’amplitude renseigne sur la texture ou la rugosité de la surface, tandis que la phase, qui varie entre 0 et 2π, est liée à la distance entre le satellite et le sol selon un principe d’interférence d’ondes. Deux images SAR obtenues à deux dates différentes peuvent être comparées à l’aide d’interférogrammes pour détecter de minuscules variations de distance — autrement dit, de déplacement du sol.
Les points-clés du fonctionnement de l’InSAR comprennent :
- La phase de trajet qui dépend exclusivement du chemin optique aller-retour entre le satellite et la surface.
- La phase pixellaire liée aux propriétés physiques et géométriques du sol (végétation, roches, constructions).
- La différence de phase entre deux images permettant de mesurer un déplacement dans la direction de la ligne de visée du satellite.
Cette mesure est subtile car elle nécessite que le satellite repasse presque au même endroit, avec le même angle d’observation, pour que les comparaisons soient strictement valides. Or, le satellite ne peut jamais reproduire exactement la même trajectoire, et les conditions atmosphériques changent, rendant les données brutes difficiles à interpréter sans traitements spécifiques. C’est pourquoi les opérateurs comme le CNES et l’IGN finissent par appliquer des corrections sophistiquées basées sur des modèles numériques de terrain fournis par l’Observatoire de la Terre et des informations précises sur l’orbite des satellites.
Avant même de dégager la déformation, il faut distinguer les différentes composantes de la différence de phase, parmi lesquelles :
- φtopo : effet de la topographie liée à la différence de géométrie d’acquisition entre les images.
- φdef : composante correspondant au déplacement réel de la surface.
- φatm : perturbations atmosphériques variables entre les deux acquisitions.
- φorbite : erreurs liées à la modélisation de l’orbite du satellite.
- φbruit : bruit introduit par une perte de cohérence résultant des changements de nature des surfaces.
La combinaison de ces éléments explique toute la complexité du traitement InSAR, que Telespazio et SAR Informatique maîtrisent grâce à des algorithmes avancés. L’étape incontournable nommée « déroulement » transforme ensuite les phases cycliques en déplacements quantifiables, décodant les franges colorées des interférogrammes en mètres ou millimètres.
Satellites et infrastructures techniques : les outils clés dans l’acquisition des données InSAR
Le succès de l’InSAR repose largement sur l’architecture satellitaire et les infrastructures mises en place pour collecter, transmettre et traiter les données. Dès l’origine, des agences comme le CNES ont investi dans des missions satellites dotées de radars SAR. Airbus, acteur industriel majeur, conçoit plusieurs de ces satellites qui embarquent les radars à synthèse d’ouverture.
Pour des missions d’observation terrestre, les satellites sont placés en orbites basses entre 400 et 800 kilomètres d’altitude pour optimiser la résolution spatiale. Parmi les références historiques figurent ENVISAT (mission lancée en 2002, arrêtée en 2012) et la série Sentinel-1, lancée à partir de 2014, qui continue à fournir des images radar pour l’InSAR. Sentinel-1, issu du programme européen Copernicus, est un modèle de collaboration entre le CNES, Airbus, Thales et l’EOST.
Près de la moitié des applications actuelles font appel à Sentinel-1, grâce à :
- Une fréquence d’acquisition élevée (tous les 6 à 12 jours en moyenne).
- Une couverture mondiale accessible gratuitement.
- Une qualité de données compatible avec des analyses haute précision.
À côté, des satellites complémentaires comme ALOS, COSMO-SkyMed ou RADARSAT enrichissent la palette, apportant des longueurs d’onde différenciées pour explorer différentes propriétés de la surface. Chaque longueur d’onde étant sensible à des types de déformations ou de couverture différents, leur exploitation combinée est précieuse.
En complément, les stations au sol et centres de traitement, tels que ceux de Sertit et GeoData, prennent en charge la réception massive des flux d’informations. Ces plateformes assurent la première étape de prétraitement avant que les laboratoires et observatoires, comme l’Observatoire de la Terre et le CNES, n’entrent en jeu pour l’analyse et l’interprétation. Telespazio joue aussi un rôle clef en diffusant ces données aux utilisateurs finaux dans divers domaines.
Cette chaîne technologique est essentielle pour garantir que les données InSAR soient disponibles en temps quasi réel pour :
- Surveillance sismique et volcanique préventive.
- Contrôle des infrastructures critiques (barrages, ponts, réseaux de transport).
- Gestion des risques liés à la subsidence urbaine.
- Suivi des déplacements glaciaires et effets du changement climatique.
Du traitement des signaux à l’interprétation : comprendre et corriger les interférogrammes InSAR
Le traitement des données InSAR est une étape aussi essentielle que complexe. Après la collecte des images radar, les scientifiques doivent produire un interférogramme : une image représentant la différence de phase entre deux acquisitions sur la même zone. Cette étape révèle des franges colorées qui encombrent souvent la compréhension intuitive, car elles sont le résultat d’une variation cyclique du signal radar.
Pour rendre ces données exploitables, le traitement informatique intervient à plusieurs niveaux :
- Correction topographique : l’interférogramme initial contient des variations dues à la topographie. En utilisant des modèles numériques de terrain fournis souvent par l’IGN, ces biais sont éliminés pour ne laisser que la déformation.
- Déroulement des phases : étant donné que la phase varie entre 0 et 2π, l’algorithme de déroulement décode cette “ambiguïté modulaire” pour reconstituer un champ continu de déplacement dans la direction satellite-sol.
- Filtrage de la cohérence : la cohérence entre deux images SAR dépend de la stabilité de la surface entre prises de vue. Les zones fortement végétalisées ou modifiées sont peu cohérentes, ce qui introduit du bruit et des erreurs.
- Correction atmosphérique : l’atmosphère modifie la propagation des ondes radar. Les retards liés aux variations de pression, température et humidité changent la phase rapportée. Ces perturbations, parfois corrélées à l’altitude, sont modélisées et soustraites par les équipes du CNES et de l’EOST.
- Gestion des erreurs de positionnement : les imperfections dans la connaissance de l’orbite du satellite nécessitent aussi des corrections, cruciales pour ne pas confondre déplacements réels avec des artefacts liés à la trajectoire.
Grâce à ces traitements, les interférogrammes deviennent surfaces cartographiables en détail, avec une résolution pouvant atteindre le millimètre. Ces cartes représentent des déplacements cumulés durant l’intervalle entre deux acquisitions. Par exemple, une interfrange correspond à un déplacement cumulé d’environ une demi-longueur d’onde radar, soit quelques centimètres à quelques millimètres selon le satellite.
L’expertise des équipes Sertit, SAR Informatique et GeoData est ainsi sollicitée pour traiter ces données à grande échelle, en s’appuyant sur des modèles inverses afin d’estimer les sources profondes générant les mouvements observés, comme une chambre magmatique ou une faille active. Cette démarche d’optimisation permet de mieux comprendre les phénomènes géologiques sous-jacents et d’améliorer les alertes préventives.
Applications concrètes de l’InSAR dans la surveillance des risques naturels et l’ingénierie
Au-delà de la théorie, l’InSAR s’impose aujourd’hui comme un outil indispensable pour l’observation et la gestion du territoire. Utilisée par des institutions comme l’IGN, le CNES, ainsi que par des partenaires industriels tels qu’Airbus et Thales, cette technologie permet de mesurer avec précision des mouvements du sol dans de multiples contextes.
Voici quelques domaines d’application majeurs :
- Suivi des volcans actifs : l’InSAR a permis de détecter précocement des déformations liées à la montée de magma, comme ce fut le cas au Piton de la Fournaise, où plusieurs interférogrammes ont illustré les variations millimétriques lors d’éruptions récentes.
- Cartographie des séismes et failles tectoniques : après des événements majeurs, les données InSAR aident à quantifier les déplacements du sol sur plusieurs kilomètres, facilitant la compréhension des mécanismes sismiques.
- Gestion de la subsidence urbaine : dans des villes en expansion ou aux sols fragiles, l’InSAR identifie les zones de tassement pour prévenir fissures et affaissements, notamment grâce à des collaborations entre Sertit, CNES et l’IGN.
- Surveillance des infrastructures : des ponts, barrages, tunnels font régulièrement l’objet d’analyses InSAR pour détecter les déformations pouvant annoncer des risques structuraux, un domaine où GeoData et SAR Informatique ont développé des solutions innovantes.
- Études climatologiques : les variations de la glace, la fonte des glaciers ou les mouvements liés à la sécheresse sont suivis via l’InSAR, complétant ainsi les outils de l’Observatoire de la Terre sur ces problématiques environnementales.
L’exercice de modélisation des sources de déformation à partir des données InSAR est en constante évolution, bénéficiant des avancées scientifiques et des puissances de calcul accrues. L’intégration de méthodes d’intelligence artificielle et machine learning, adoptées notamment par Airbus et Telespazio, contribue à amplifier la réactivité et la précision des analyses.
Ces applications illustrent à quel point l’InSAR est devenu un outil incontournable pour anticiper, comprendre et atténuer les risques liés aux mouvements terrestres, avec un impact direct sur la sécurité et la résilience territoriale.
Perspectives technologiques et défis pour l’avenir de l’interférométrie radar InSAR
En 2025, l’InSAR continue de s’affiner grâce à des innovations technologiques et méthodologiques. Plusieurs défis restent encore à relever pour élargir son champ d’application et améliorer la précision.
Parmi les pistes prioritaires :
- Augmentation de la fréquence d’acquisition : pour suivre des phénomènes rapides ou imprévus, des constellations satellites comme celles développées par Airbus et Thales permettront de réduire le délai entre deux prises de vue à quelques heures.
- Optimisation des corrections atmosphériques : les avancées dans les données météorologiques spatiales, couplées à l’intelligence artificielle, promettent de réduire significativement le bruit atmosphérique sur les interférogrammes, domaine dans lequel l’EOST et le CNES mènent des recherches.
- Multi-longueurs d’onde et fusion de données : combiner plusieurs types de radars (micro-ondes, bande L, bande C, bande X) et intégrer les données terrestres (GPS, capteurs au sol) améliore la résolution spatiale et la précision des déformations.
- Traitements automatisés et intelligents : la masse de données InSAR croissante nécessite des outils analytiques performants, domaine d’expertise de SAR Informatique et Sertit, pour fournir des alertes en temps réel aux acteurs décisionnels.
- Accessibilité et démocratisation : avec l’ouverture progressive des données et la disponibilité de plateformes collaboratives, les acteurs locaux, universitaires ou industriels pourront mieux exploiter et comprendre la déformation de leur territoire.
Les avancées en matière de télédétection spatiale liées à l’InSAR renforcent la coopération internationale, animées par des agences comme le CNES, et impulsées par les innovations d’Airbus, Thales et leurs partenaires, pour bâtir un système d’observation global plus réactif et robuste face aux enjeux climatiques et géologiques du XXIe siècle.
Questions fréquentes sur l’InSAR et la mesure de la déformation du sol
- Qu’est-ce que l’InSAR et comment fonctionne-t-il ?
L’InSAR est une technique d’interférométrie radar qui compare des images radar prises à différents moments par des satellites pour détecter les déplacements millimétriques de la surface terrestre en mesurant les variations de phase des signaux radar. - Quelle est la précision des mesures InSAR ?
Selon les conditions, l’InSAR peut atteindre une précision allant de quelques millimètres à moins d’un millimètre par an, notamment grâce à des méthodes avancées comme la technique des réflecteurs persistants (PSI) et à des corrections atmosphériques poussées. - Quels sont les principaux satellites utilisés en InSAR ?
Les satellites les plus utilisés sont Sentinel-1, ENVISAT (jusqu’en 2012), ALOS, RADARSAT, COSMO-SkyMed, développés par des agences comme le CNES et entreprises comme Airbus et Thales. - Quels types de déformation terrestre peut-on mesurer avec l’InSAR ?
L’InSAR peut détecter une gamme variée de mouvements, incluant les déformations volcaniques, sismiques, la subsidence urbaine, la déformation des glaciers, ainsi que les mouvements liés aux activités anthropiques comme les pompages d’eau. - Quels sont les principaux défis liés à l’analyse des données InSAR ?
Les défis majeurs incluent la correction des effets atmosphériques, la gestion de la cohérence des signaux dans les zones végétalisées, et la résolution des ambiguïtés liées à la phase cyclique, qui nécessitent des traitements sophistiqués réalisés par des experts comme ceux des laboratoires Sertit et SAR Informatique.